Quelles avancées suite à la conférence des Nations Unies sur l’Océan de Lisbonne ?

Ce vendredi 1er juillet 2022 à Lisbonne se clôturait la 2ème conférence des Nations Unies sur l’Océan. À l’instar de l’ensemble de la communauté Océan, la Fondation Tara Océan s’est rendue sur place pour veiller au maintien d’une ambition élevée dans les actions prises par les États membres.

Conférence des Nations Unies sur l’Océan de Lisbonne

Des centaines de nouveaux engagements pour l’Océan enregistrés

En février dernier, le One Ocean Summit initié par le président Macron à Brest a lancé une année 2022 qui peut être qualifiée de “Super année pour l’Océan”.

Après les issues positives de l’Assemblée générale du Programme environnemental de l’ONU à Nairobi en mars (UNEA-5.2), où les états se sont accordés pour lancer des négociations sur une traité légalement contraignant pour lutter contre la pollution plastique, puis de la 12ᵉ conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), où les membres ont trouvé un accord pour réguler les subventions aux pêcheries néfastes et illégales après 20 de négociations, se présentait donc à mi-chemin de cette année 2022 la conférence des Nations Unies sur l’Océan à Lisbonne.

Cette conférence s’est ouverte par des mots plus qu’impactants du secrétaire général de l’ONU :

Nous avons pris l’Océan pour acquis. Mais nous sommes aujourd’hui confrontés à ce que j’appellerai un état d’urgence
Antonio Guterres
Salle plénière de la conférence des Nations Unies sur l’Océan à Lisbonne
Salle plénière de la conférence des Nations Unies sur l’Océan à Lisbonne © Martin Alessandrini/ Fondation Tara Océan

Face à cet état d’urgence, les États venaient donc présenter leurs engagements pris et à venir, toujours basés sur la science, pour lutter contre ce déclin de la santé de l’Océan. Plus de 700 engagements ont été recensés et la Déclaration de Lisbonne a pu être adoptée en clôture de conférence. Dans cette déclaration, les états signataires s’engagent à agir pour améliorer la gestion, la protection et la restauration des écosystèmes marins et de la biodiversité dans leurs zones économiques exclusives mais aussi en haute-mer dans le cadre du futur traité BBNJ (Biodiversity beyond national jurisdiction), à améliorer la conformité des pratiques de pêche et de la production alimentaire aquatique avec les normes environnementales, à accélérer la transition vers l’économie bleue, à lutter contre les pollutions marines, à encourager et partager la science et l’innovation ainsi qu’à mobiliser la finance pour un Océan durable.

Ce dernier point est particulièrement critique pour atteindre ces objectifs. L’Objectif de développement durable 14 (ODD14) est le moins financé des ODD. Peter Thomson, envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies pour l’Océan, n’a eu de cesse de le rappeler durant cette conférence :

Le financement massif et innovant des actions de conservation des écosystèmes marins et de transformation de nos systèmes d’exploitation de l’Océan fait désormais partie intégrante du futur de l’humanité.
Peter Thomson

Une place grandissante pour la société civile dans les dialogues pour un Océan en bonne santé…

Pour parvenir à ces objectifs, l’UN Ocean Conference a permis à la communauté Océan de se retrouver pour la première fois depuis le début de la crise sanitaire. Après avoir été déplacée d’un an, plus de 6 000 participants y ont fait le déplacement dont 24 chefs d’État et de gouvernement. Mais ce qui ressort fortement, et qui a fait la force de cette conférence des Nations-Unies, c’est qu’elle n’a pas simplement réuni des nations. Plus de 2 000 représentants de la société civile étaient présents : scientifiques, ONGs, … La richesse des thématiques abordées et l’ambition des actions proposées doivent beaucoup à la mobilisation massive d’une société civile faisant désormais partie intégrante du dialogue, en témoignent les nombreux side-events portés par des représentants de la société civile.

La prise d’ampleur du débat sur l’exploitation minière en eaux profondes en est l’incarnation. Via un projet de moratoire initialement porté par le Pérou et quelques états pacifiques insulaires, le sujet a été massivement repris par les ONG et les scientifiques présents sur place. À tel point que le président Macron, venu directement du sommet de l’OTAN pour annoncer la candidature conjointe de la France et du Costa Rica pour l’organisation de la prochaine Ocean Conference en janvier 2025, a fini par se positionner à l’encontre de cette exploitation.

La Fondation ne peut que saluer la reconnaissance par la France de la nécessité de disposer d’une connaissance scientifique approfondie d’un écosystème avant d’y engager quelconque activité industrielle. Les eaux profondes, encore inconnues, représentent un élément clé dans la pompe à carbone océanique. Comme pour l’ensemble de notre plaidoyer, la prise d’action se doit d’être éclairée par la connaissance scientifique.

… à l’inverse d’un microbiome marin encore mis de côté !

Partie intégrante de cette mobilisation de la société civile, la Fondation Tara Océan était présente pour porter les enjeux de connaissance du microbiome marin. Encore une fois, les discussions en lien avec la fixation de carbone par l’Océan, ou carbone bleu, se sont focalisées sur les écosystèmes côtiers : les mangroves, les marais et les herbiers marins. Une hégémonie s’expliquant par la connaissance approfondie que nous avons de ces écosystèmes, et du fait qu’à l’inverse du microbiome marin, pour l’instant, ils représentent pour les États des modes d’action quantifiables et facilement réalisables. 

Néanmoins, les services climatiques que nous rend l’Océan sont portés essentiellement par son microbiome et son incroyable activité biologique. Invisible à l’œil, cet écosystème “oublié” des négociations a été une fois de plus le thème de débat porté par la Fondation. En partenariat avec l’OFB, le FFEM, nous avons organisé un side-event pour présenter les avancées scientifiques en cours pour la compréhension du microbiome. Plus important pour le public “onusien” présent à l’événement, une table-ronde a permis de discuter sur la manière dont ces avancées scientifiques pouvaient abonder vers des processus de gouvernance de l’Océan : les négociations du futur traité haute-mer (BBNJ), l’agenda post-2020 de la Convention pour la diversité biologique et des futurs outils de gestion par zone basés sur cette science complexe du microbiome. Alejandro Maass, chercheur mathématicien à l’Université du Chili, y a présenté un projet pilote qui sera lancé cette année au Chili : un projet d’identification des zones clés d’activités planctoniques. La production de ces données et le dialogue avec les états permettra à terme de mieux gérer et protéger les services climatiques que nous rend l’Océan.

Florian Botto (représentation monégasque à l'ONU), Haydée Rodriguez (Projet SARGADOM) et Loreley Picourt (Plateforme Océan & Climat) échangent sur l'importance de la science du microbiome pour une gouvernance effective de l'Océan
Florian Botto (représentation monégasque à l’ONU), Haydée Rodriguez (Projet SARGADOM) et Loreley Picourt (Plateforme Océan & Climat) échangent sur l’importance de la science du microbiome pour une gouvernance effective de l’Océan © Chloé Sartena / Fondation Tara Océan

La Fondation a ainsi porté à Lisbonne sa vision d’une science partagée, d’excellence et innovante pour une meilleure compréhension de l’Océan dans son intégralité. Cette notion d’innovation était également au cœur d’un événement du Varda Group, co-organisé par la Fondation Tara Océan, Bertarelli Philantropy et MedPan. Intitulé “Welcome out of the box!”. Les dix panélistes y ont restitué les résultats de plusieurs sessions de réflexions sur la gouvernance de l’Océan : 

L’ensemble de ces propositions sont détaillées dans un document, le Lisbonne Addendum, mais il est sûr que l’enjeu de la conservation de l’Océan nécessite la mobilisation et l’ambition que ce projet a su initier.

Quelles sont les étapes après Lisbonne ?

Après Lisbonne, cette “super année pour l’Océan” poursuivra donc son cours. Sa prochaine escale aura lieu en août, mois durant lequel se tiendra la Conférence intergouvernementale sur un traité sur la biodiversité marine des zones situées au-delà de la juridiction nationale. La Fondation Tara Océan sera présente pour porter cette envie partagée de conclure des négociations ouvertes depuis 2015 mais surtout pour veiller à ce que le texte final soit compatible avec une recherche fondamentale facilitée, partagée et équitable.

Vagues
© Noélie Pansiot / Fondation Tara Océan

En novembre, Sharm El-Sheikh accueillera la conférence de l’ONU sur le climat (COP27) pour continuer à affirmer l’Océan comme atout n°1 dans l’atténuation et l’adaptation au réchauffement climatique. Par la suite, la COP15 de la Convention sur la diversité biologique (CDB) devrait permettre de finaliser les modalités de l’objectif 30×30. Cet accord visant à protéger 30 % des écosystèmes marins et terrestres de la planète d’ici 2030 doit être finalisé cette année sous peine de voir les perspectives de réalisation de cet objectif se réduire drastiquement. La France a officiellement déjà protégé 33% de sa ZEE mais les niveaux de protection et l’homogénéité géographique de cette couverture restent fortement limités.

Peter Thomson l’a martelé durant cette Ocean Conference :

Il n’y a pas de planète saine sans un Océan en bonne santé et la santé de l’Océan est indéniablement en déclin
Peter Thomson

Néanmoins, si nous saisissons les opportunités que nous offre cette année 2022, nous pouvons le stopper. Les pays ont déjà fait les bons choix par deux fois cette année, à eux de continuer sur cette lancée. À nous de les y inciter.

Par Martin Alessandrini, Chargé de mission Plaidoyer et Coopération internationale

Pour aller plus loin :

Le consortium Tara Oceans publie ce mois de juin en couverture de Nature microbiology un article sur les priorités pour la recherche sur le microbiome océanique. Cet axe d’étude doit désormais être entendu par les décideurs politiques et les différentes échelles de gestionnaires.

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